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coluche et renaud
08/09/2005 14:58
Sa cible : la société contemporaine. Son arme : un humour décapant. Aimé ou dénigré, Coluche s’est imposé comme le provocateur des années 80. Mais il n’en est pas moins un homme résolument tourné vers les autres : les Restos du Cœur, son œuvre la plus généreuse, prépare pour cet hiver sa 20e édition.
Un humoriste hétéroclite Dès 1969, le cinéma exploite le talent de Coluche qui multiplie les rôles. Claude Zidi, Claude Berri, Bertrand Blier ou encore Gérard Oury : de grands réalisateurs font appel à Coluche pour enrichir leur casting. D’acteur plébiscité à réalisateur, il n’y avait qu’un pas. Coluche le franchit en 1977 et met en scène son premier film, Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine. En 1984, c’est la consécration : Coluche reçoit le césar du meilleur acteur pour son interprétation dans Tchao Pantin. A partir d’avril 1978, Coluche s’essaie à la radio, d’abord sur Europe 1, où l’émission On est pas là pour se faire engueuler, est un succès. Coluche intègre RMC en 1980, mais pour une courte durée. Il renoue avec Europe 1 en juillet 1985 pour une nouvelle quotidienne, Y’en aura pour tout le monde. Puis le petit écran lui ouvre sa lucarne. En mai 1985, Coluche participe au Jeu de la vérité de Patrick Sabatier et répond sans retenue à tous les sujets qui lui sont proposés : drogue, campagne électorale, vie conjugale, notoriété… L’émission réalise l’un des plus gros scores d’audience. Coluche ajoute même le titre de présentateur à son palmarès, en animant chaque jour Coluche 1-faux sur Canal +. Plus qu’un homme qui veut faire rire, Coluche veut être un agitateur d’idées reçues. Ayant compris les jeux et enjeux des médias, il organise le 25 septembre 1985 un gigantesque canular gratuit : les télévisions et la France entière peuvent assister au mariage de Coluche et de Thierry le Luron, « pour le meilleur et pour le rire ». Une provocation avant-gardiste autour du mariage homosexuel, un véritable coup médiatique – toujours d’actualité !
L’engagé politique 29 octobre 1980 : Coluche annonce officiellement sa candidature aux élections présidentielles de 1981. C’est le choc ! Celui qui se fait appeler le candidat « bleu, blanc, merde » ou bien encore le « candidat nul » déchaîne les passions. Initiant une nouvelle forme de politique-spectacle, il cogne à tout va, ridiculise la classe politique. Canular ou candidature sérieuse, au fil des semaines, Coluche se laisse prendre au jeu. Il se sent désormais investi d’une mission : représenter jusqu’au bout les minorités prêtes à voter pour lui. Un programme loyal auquel les journaux les plus sérieux consacrent leur couverture ou d’importants articles. Coluche tient des conférences devant la presse internationale, et reçoit son auditoire tous les jours sur la scène du Gymnase. Un sondage réalisé par le JDD va jusqu’à lui accorder 16 % des intentions de vote ! C’est alors sans complexe que son équipe de campagne affirme avoir recueilli six cent cinquante signatures. Pourtant, le 7 avril, le « candidat nul » annonce son retrait de la campagne électorale.
L’Enfoiré au grand cœur Issu d’un milieu défavorisé, Coluche a pris conscience des grosses défaillances qui existent dans l’entraide française envers les plus démunis. Son plus grand geste en faveur des autres, qui continue à lui survivre, est la création des Restos du Cœur. En septembre 1985, c’est sur Europe 1 que le comique lance l’idée des Restos : «Si des fois y’a des marques qui m’entendent, si y’a des gens qui sont intéressés par sponsoriser une cantine gratuite qu’on pourrait commencer par faire à Paris… nous on est prêt à aider une entreprise comme ça qui ferait un resto qui aurait comme ambition, au départ, de distribuer deux ou trois mille couverts par jour ». Les premiers centres de distribution ouvrent le 21 décembre 1985. Leur principe est simple : offrir à ceux qui n’ont plus rien les surplus de ceux qui ont trop. Le pari est réussi : durant la première campagne, 5000 bénévoles ont distribué 8,5 millions de repas. A la fin de l’hiver, Coluche s’est rendu compte que les plus nombreux donateurs étaient ceux dont les revenus étaient les plus bas. Mais fiscalement rien ne les avantageait. Coluche suggère alors aux députés un nouvel abattement fiscal pour les dons. Malheureusement Coluche ne verra pas ce projet finalisé de son vivant. Le 19 juin 1986, sur la route de Cannes, Coluche meurt dans un tragique accident de moto. Le comique controversé laisse derrière lui des mots célèbres, un humour légendaire et le fruit d’une grande générosité. La loi Coluche a finalement été votée le 20 octobre 1988 à l’unanimité. Les Restos du Cœur, un provisoire qui dure toujours, ont distribué l’an dernier 66,5 millions de repas.
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